vendredi 24 janvier 2014

A la découverte de Potosi

(Galerie de photos en fin de texte)
Pour les fêtes de fin d'année, les bureaux de la Fondation "CONSTRUIR" ont fermé durant deux semaines.
Revenue il y a peu d'un long séjour en Suisse, j'avais d'abord pensé passer ce temps à La Paz et profiter de me plonger dans de nombreuses lectures en attente.
Changement d'idée de dernière minute: et pourquoi ne pas en profiter pour connaître la fameuse Potosi?

 Potosi est une ville minière, qui a connu plusieurs époques dorées. D'importants gisements d'argent, mais aussi de zinc et d'étain y ont été découverts par les Espagnols, dans les entrailles du "Cerro Rico" (Montagne Riche), encore exploitée aujourd'hui, près de 500 plus tard.
Avec Nilton, nous y avons passé 3 jours, et 2 jours à Sucre (capitale de Bolivie, dite "ville blanche" pour la couleur de ses élégantes maisons coloniales, bien entretenues), qui se trouve à 3 heures de route, en contre-bas. Les riches personnes de Potosi, comme à l'époque coloniale, continuent d'avoir une résidence à Sucre, où le climat est plus doux.

Potosi a été fondée en 1545, au moment de la découverte de ses précieux minerais qui ont enrichi l'empire espagnol, à force de bras d'esclaves indigènes, puis aussi africains (aujourd'hui, les descendant-e-s des survivant-e-s africains forment une petite communauté - les Afroboliviens - installée dans les Yungas, vallées du département de La Paz).

Les conditions de travail, tant dans les mines que dans les fonderies (où l'on utilisait le mercure pour séparer le minerai des déchets), étaient terribles. On estime aujourd'hui que 8 millions d'Indigènes et d'Africains y ont trouvé la mort.

Au XVIIe siècle, la ville connut un tel essors qu'elle devint l'une des plus grandes villes du monde, avec 200'000 habitant-e-s.

Potosi a ensuite connu des hauts et des bas. Son sort dépend entièrement du prix des minerais sur le marché international. Au XIXe siècle, une baisse brutale du cours de l'argent lui a porté un coup fatal. La demande d'étain au XXe siècle lui a peu à peu permis de se relever. Aujourd'hui, le zinc et le plomb sont au premier rang des métaux exportés.

Une fois la Bolivie indépendante (la République de Bolivie a été proclamée en 1825), l'exploitation des mines est passée aux mains de riches privés (les "Barrons de l'étain"; la Fondation Simon Patiño à Genève, qui offre des bourses d'études en Suisse à des étudiant-e-s bolivien-nes, est liée à l'un de ces barrons). Quelques années plus tard, c'est l’État qui en a pris le contrôle, suite à la nationalisation qui s'est opérée lors de la Révolution Nationale de 1952. Toutefois, cette situation n'a pas duré longtemps et les mines sont peu à peu retournées en mains privées. Aujourd'hui la majorité est exploitée par des "coopératives" de mineurs.

Ces coopératives ne fonctionnent pas de la manière que leur nom peut le laisser croire. Chaque travailleur associé à une cooopérative travaille en définitive pour lui, et son enrichissement dépendra de sa chance. Les gains ne sont aucunement redistribués entre les membres. Le seul avantage qu'offre la coopérative est l'accès à sa concession. Des mineurs chanceux peuvent ainsi se construire de belles fortunes, alors que d'autres ne trouveront jamais le bon filon. Avant de pouvoir être membre d'une coopérative, un mineur devra travailler comme main-d’œuvre pour un autre mineur et il gagnera un certain pourcentage du gain de ce dernier, qui est fonction du poids et de la qualité du minerai récolté. Cette période dure en moyenne trois ans, mais les conditions pour devenir membre varient d'une coopérative à l'autre. Le futur mineur devra aussi payer une cotisation à la coopérative pour pouvoir y entrer, montant qui peut être important (entre 1000 et 3000 dollars, ce qui est beaucoup dans le contexte bolivien).

Les conditions de travail dans le Cerro Potosi sont très dures. La majorité des mineurs continue de travailler de manière artisanale, à la force et sueur du corps, avec des outils mécaniques rudimentaires, s'exposant aux poussières nocives et aux accidents. L'espérance de vie se situe autour des 40 ans et beaucoup souffrent et finissent par mourir de la silicose, une maladie des poumons provoquée par l'inhalation de poussières. Les enfants entrent aussi dans les mines.

La mine est un espace qui appartient au "Tio", une divinité représentée avec des caractéristiques masculines exagérées. Il décide du sort des mineurs. Pour obtenir protection et faveurs du "Tio", les mineurs vont lui rendre visite et lui font des offrandes. Des endroits lui sont consacrés dans les galeries.

Le Cerro Rico a été déclaré Patrimoine Culturel de l'Humanité (UNESCO). Toutefois, des examens sont en cours, qui pourraient déboucher sur un diagnostique de Patrimoine en péril. La montagne est surexploitée et il existe des risques d'écroulements.

De nombreuses agences à Potosi proposent des tours dans les mines, qui sont devenus un négoce. Avec Nilton, nous nous sommes joints à un groupe et avons fait une visite d'une demi-journée, dont environ deux heures passées à déambuler dans des galeries. Ce jour-là, nous avons croisé peu de travailleurs: c'était le 2 janvier et beaucoup étaient allés passer les fêtes dans leur communauté ou fêtaient encore la nouvelle année. Cela n'était pas désagréable. Je me suis sentie moins "voyeuse" et nos oreilles n'ont pas été assaillies par le bruit constant des explosions de dynamite.

Cette visite des mines a contrasté avec celle du centre historique de Potosi, où se côtoient les restes de belles maisons coloniales, qui permettent d'imaginer la richesse de cette ville lors de son apogée. La ville regorge d'églises coloniales et abrite la somptueuse maison de la monnaie (là où on frappait la monnaie), transformée en beau musée. Malheureusement, ces vestiges du passé manquent d'entretien.

Potosi m'a laissée une forte impression, pour la charge historique que l'on ressent en déambulant dans ses rues, au détour desquelles le Cerro Rico apparaît presque toujours, majestueux et menaçant, transpirant la richesse et le sang.

Vue sur la "Ville Blanche", Sucre

La Casa de la Moneda (maison de la monnaie) Potosi

Le Cerro Rico au détour de chaque rue

Cathédrale, Potosi

Maison coloniale, Potosi

Le Cerro Rico veille sur les défunts...

"Ici prennent fin tes services à la communauté minière"





Le centre historique de Potosi

Préparatifs pour entrer à la mine

Station de séparation des minerais

Le Cerro Rico de plus près: on devine l'exploitation

L'entrée d'une mine

Visite à un "Tio"

Un "Tio" plus ancien

Dans les galeries


Une église, Potosi





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