vendredi 28 juin 2013

Formation de "Défenseuses Communautaires"

Promotion d'une vie libre de violence

Défenseuses Communautaires et un Défenseur. Deuxième depuis la gauche: maire de San Buenaventura
Depuis le début de cette année, la Fondation CONSTRUIR développe un projet dont le but est de faciliter l'accès à la justice de femmes victimes de violence et de promouvoir leurs droits. Le projet s'intitule "Défenseuses Communautaires et accès à la justice plurielle" et il est développé dans quatre municipalités rurales, dans quatre départements.
(plus d'images en fin de texte)

Les Défenseuses Communautaires sont des femmes indigènes issues de communautés, intéressées à défendre et promouvoir les droits d'autres femmes, de manière volontaire. Le projet s'inspire d'une initiative qui s'est développée au Pérou, et qui fonctionne aujourd'hui depuis plus de 10 ans.

Le travail des Défenseuses Communautaires articule des actions à différents niveaux, qui permettent d'aborder la violence contre les femmes de manière intégrale:

1. D'une part, elles orientent, conseillent et accompagnent des femmes victimes de violence, à travers l'organisation d'un système d'attention. Ni juristes, psychologues ou travailleuses sociales, elles ouvrent une première porte aux femmes dont les droits ne sont pas respectés et les orientent vers les services adéquats, dans le but d'encourager le dépôt d'une plainte. Leur travail ne s'arrête toutefois pas là. Il s'agit ensuite de donner un suivi à la situation, afin de s'assurer que la personne est prise en charge de manière adéquate et qu'il est donné suite à sa demande. Cette démarche veut répondre aux problèmes suivants:
  • Absence ou manque de services de l'Etat  dans certaines zones rurales (les services spécialisés en matière de violence contre les femmes, prévus par loi, font parfois défaut ou comptent avec un personnel, des infrastructures et un budget incomplets)
  • Méconnaissance des lois et des institutions, raison pour laquelle les victimes ne vont pas faire de démarches pour se protéger
  • Manque de confiance envers les institutions
  • Peur ou impossibilité de faire des démarches, pour des raisons socio-culturelles: la violence contre les femmes est considérée comme normale et naturelle; traditionnellement, la violence est une histoire de famille et se règle en famille, généralement à travers de processus de conciliation; peur des représailles, de la part de l'agresseur ou d'autres personnes, comme des membres de la famille, etc.
  • Manque d'information sur la violence et les droits, qui peut avoir comme conséquence une non-identification des violences subies (vécues comme normales et naturelles) 
  • Manque d'articulation entre les acteurs qui protègent les droits des femmes et parfois méconnaissance des contextes culturels d'où proviennent les femmes qui font appel à leurs services. 
Dans ce rôle d'orientation et accompagnement des victimes, les Défenseuses Comunautaires sont comme des ponts entre les différents acteurs, qu'elles vont solliciter et articuler.  Elles vont également jouer un rôle important au niveau du "contrôle social", c'est-à-dire s'assurer que tout le monde accomplit son rôle en conformité avec les lois. Finalement, elles auront également un effet au niveau de l'articulation entre les différents systèmes de justice reconnus par la Constitution bolivienne: les autorités indigènes ont également des compétences et obligations en matière de violence contre les femmes. Elles doivent mettre en place des actions de prévention et protection et elles peuvent également traiter des cas de violence, si ceux-ci ne relèvent pas de l'ordre pénal (comme par exemple les cas de viols ou féminicides, qui en conformité avec loi doivent être remis à la justice de l'Etat).

2. D'autre part, les Défenseuses Communautaires seront actives au niveau de la prévention de la violence contre les femmes. Recherchant un changement de mentalités, elles organiseront des activités d'information et sensibilisation, qui toucheront toute la population. Elles développeront également des activités d'information et formation à l'attention d'autres femmes, afin que ces dernières connaissent leurs droits et soient en mesure de mieux les défendre.

3. Pour finir, les Défenseuses Communautaires agiront au niveau politique et institutionnel. A travers la création d'alliances et de réseaux, elles chercheront à avoir une influence au niveau des politiques publiques et des lois afin de protéger les femmes de la violence.

Afin que des femmes puissent endosser ce rôle (dans un premier temps, 25 dans chacune des 4 municipalités), le projet prévoit une première phase de formation.

Celles-ci ont commencé il y environ deux semaines, et sont composées de 6 modules qui abordent les thèmes suivants: la violence contre les femmes; normes et lois qui les protègent; institutions; qui sont les Défenseuses Comunautaires; comment accompagner des femmes victimes de violence; comment travailler au niveau politique et de la prévention.

Il est prévu qu'au cours du processus de formation, les futures Défenseuses élaborent les outils dont elles auront besoin (par exemple, des fiches de suivi des situations) et planifient les actions et activités qu'elles vont mener au niveau politique et de la prévention.

La semaine dernière, j'ai eu le grand plaisir d'accompagner le processus de formation de Défenseuses Communautaires de la municipalité de San Buenaventura, qui se trouve dans la partie nord du département de La Paz (en face de Rurrenabaque, connue pour le tourisme car c'est de là qu'on accède à la réserve naturelle et territoire indigène du Madidi). Cette partie du département de La Paz est donc de climat tropical.
Avec une trentaine de femmes issues de 5 communautés différentes, nous avons vécu quatre jours de travail intensif. Ces premiers pas ont été prometteurs: les femmes ont montré beaucoup d'intérêt pour ce thème qui les touche et qu'il est nécessaire de travailler. Malgré certaines peurs suscitées par le travail concret des Défenseuses (qui vont s'exposer à des menaces et refus de la part de certaines personnes, entre autres les agresseurs et leurs familles), les participantes se sont montrées motivées pour aller de l'avant.
Par communauté, elles ont déjà planifié les activités des trois prochains mois. Entre autres, des activités d'information à d'autres femmes et des expositions et théâtres pour informer et sensibiliser la population seront organisés dans diverses communautés de la région.
Au niveau politique, les Défenseuses ont décidé d'unir leurs forces pour exiger l'ouverture d'un centre spécialisé dans l'attention aux femmes victimes de violence. Un service prévu par la loi, mais qui fait défaut dans la municipalité de San Buenaventura.

Au cours des prochaines semaines, je participerai à des ateliers de formation dans les autres municipalités où se déroule le projet.

Lors de la formation

Les institutions aux niveaux national, départemental et municipal

Climat tropical; une mante religieuse (qui danse)
...ne sont-ils pas adorables?

Retour à La Paz: vue sur El Alto et l'Altiplano



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